Coup de coeur

La colère d’Izanagi de Cyril Carrère : l’émotion à l’état brut

Couverture du roman La colère d'Izanagi de Cyril Carrère

Le roman noir a l’art de nous immerger dans les blessures humaines et à nous interroger sur des actes que l’on pourrait être capable de faire dans la vie. Cette vision du roman noir, c’est celle que l’on va retrouver dans le roman de Cyril Carrère, La colère d’izanagi, publié aux Éditions Denoël et disponible en librairie depuis février 2024. 

La 4eme de couverture

LA VIE POSSÈDE MILLE FACETTES ; LA MORT, UNE SEULE

Tokyo.

Un incendie criminel ravage le cœur de l’un des plus grands quartiers d’affaires au monde.

L’enquête est confiée à Hayato Ishida, flic prodige mais solitaire qui tente de se reconstruire en marge de la Crim. Il est rejoint par Noémie Legrand, franco-japonaise décidée à briser les chaînes d’un quotidien frustrant.

Sur leur chemin, un couple d’étudiants dans le besoin, à la merci d’une communauté où solidarité rime avec danger.

Et, tapi dans l’ombre, celui qui se fait appeler Izanagi, bien décidé à mettre son plan destructeur à exécution.

La colère d’Izanagi : une enquête parfaitement ficelée

La colère d’Izanagi de Cyril Carrère débute par le genre de scène que l’on n’est pas prêt d’oublier. Un drame de grande ampleur se joue sous nos yeux et le romancier déploie tout son talent pour nous faire vivre l’horreur de l’intérieur. C’est avec une écriture ciselée et cinématographique que celui-ci nous attrape, nous secoue et nous donne la tendance pour le reste de son récit. Il sera sombre et sans véritablement d’espoir…

Qu’on se le dise, La colère d’Izanagi est le genre de roman que l’on dévore en quelques heures, tant l’écrivain nous offre un divertissement intelligent et de grande qualité. On suit cette enquête avec le plus grand intérêt et on essaie, tant bien que mal, de repérer des détails pour mettre la main sur la résolution de l’histoire avec ce duo d’enquêteurs. Sauf que Cyril Carrère est bien plus malin et qu’il mettra à mal nos déductions en un claquement de doigts. Celui-ci joue sur sa narration et sur les événements pour nous duper et il sera trop tard une fois que celui-cil aura révélé son tour. 

Comme je le disais précédemment, La colère d’Izanagi est le genre de roman qui se vit, qui se ressent et qui fait mal par là où ça passe. La noirceur est là, elle nous enveloppe, mais sans pour autant faire dans la violence. Au contraire, Cyril Carrère fait preuve de “douceur” dans sa façon de faire. Cependant, si la lecture de ce roman policier fait mal, c’est bien grâce à son côté cinématographique. Le romancier nous immerge plusieurs fois dans des scènes insoutenables en termes de tensions psychologiques et de danger. On lit parfois certains passages avec la gorge nouée et le souffle coupé, tant on est pris dans cette histoire. 

La colère d’Izanagi : un véritable voyage

L’une des forces de La colère d’Izanagi réside dans le fait que Cyril Carrère nous offre un voyage dans un pays qu’il affectionne tant, puisque celui-ci est expatrié au Japon depuis de nombreuses années déjà. Celui-ci s’évertue à casser l’image idéalisée que l’on se fait de ce pays depuis de nombreuses années et encore plus depuis, je trouve, l’essor du manga en France. L’écrivain nous montre alors le véritable visage de ce pays une fois que l’on a gratté un peu le vernis. On remarque alors que le Japon a les mêmes problèmes que les pays occidentaux et doit faire face aux dérives les plus sordides de certains individus.
Cyril Carrère évoque au coin d’une phrase les mesures prisent pour empêcher le harcèlement sexuel et les prises de photos à l’insu des jeunes femmes, il nous parle également du phénomène de l’hikikomori au travers d’un de ses personnages, des divers problèmes psychologiques et psychiatriques qui existent dans le pays. En bref, le Japon est un pays comme un autre. 

Mais La colère d’Izanagi nous montre aussi les bons côtés de ce pays et autant vous dire que Cyril Carrère va vous donner faim durant cette lecture. Il est plusieurs fois question des qualités culinaires du pays et nous suivons les traces d’Hayato Ishida qui passe son temps à manger, à grignoter et qui vous fera penser au personnage de L dans le manga Death Note. Tout passe alors par les descriptions alléchantes du romancier et celles-ci fonctionnent à la perfection, puisque j’ai envie de partir quelques semaines au Japon pour passer mon temps à manger, à découvrir de nouvelles saveurs. 

La colère d’Izanagi : l’émotion à l’état brut 

La grande force du roman de Cyril Carrère réside dans ses personnages, dans leurs trajectoires de vie, dans les échanges qu’ils peuvent avoir et dans le drame qui les accompagne. La colère d’Izanagi nous plonge dans la noirceur dès les premières pages et c’est une sensation qui ne va jamais vraiment nous quitter. Tout n’est pas rose dans cette histoire et le romancier nous le fait ressentir à chaque coin de phrases. Pourtant, on essaie, par moment, de s’évader aux côtés d’Hayato et du franc-parler de Noémie Legrand, mais les problèmes du quotidien nous rattrapent. 

La colère d’Izanagi est véritablement le genre de roman qui va nous suivre une fois refermé. Cette ambiance ne va pas nous lâcher de sitôt et nous réfléchirons encore à tout cela par la suite. Cyril Carrère évoque avec force et surtout avec beaucoup de justesse, la thématique de la mort, du deuil, de la colère et de la vengeance. Des thèmes souvent vus dans la littérature noire, mais qui est, selon moi, sublimée ici par l’écriture et la sensibilité de l’écrivain. On plonge corps et âme dans cette histoire, on ne fait qu’un avec les personnages et nous finissons par partager cette douleur avec eux. On termine alors cette lecture par un flot d’émotions à l’état brut qui nous terrasse et on remercie l’auteur pour cette incroyable histoire. 

“Tu sais, une personne disparue ne meurt pas tant qu’il reste au moins quelqu’un pour penser à elle, qui continue à perpétuer son souvenir.”

En bref La colère d’Izanagi de Cyril Carrère est un très grand roman

Vous l’aurez compris, je ne peux que vous pousser à découvrir La colère d’Izanagi. Le romancier nous offre ici son roman le plus abouti, le plus sombre, mais aussi celui qui délivre le plus d’émotions. Nous sommes pris dans cette histoire avec une facilité déconcertante, grâce à la plume immersive de Cyril Carrère. On découvre le vrai visage d’un pays au travers de ses problèmes de sociétés et de la folie qui l’entoure. Le romancier joue sur les émotions brutes pour nous détruire petit à petit et pour nous offrir un dernier acte qui hérisse les poils. Bref, un immense coup de cœur pour La colère d’Izanagi

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