Il suffit parfois d’une couverture alléchante et énigmatique pour que ma curiosité l’emporte. C’est le cas ici avec La lisière, roman de Niko Tackian, publié aux Éditions Calmann-Lévy, qui m’a plongé entre rêve et réalité dans une Bretagne méconnue, mystérieuse et dangereuse.
Retour sur un récit jouant les équilibristes entre plusieurs genres, tout en proposant une atmosphère angoissante et parfaitement soignée. 

La 4eme de couverture

SON MARI ET SON FILS ONT DISPARU AVALÉS PAR LA PLUS MYSTÉRIEUSE DES LANDES BRETONNES…

Un choc sous la voiture, en pleine nuit, alors que Vivian, Hadrien et leur fils Tom roulent dans les monts d’Arrée, ce massif breton formé de landes, de roches et de marécages.

Hadrien s’arrête, descend pour voir, Tom le suit. Une minute passe, puis deux. Vivian s’inquiète, c’est bien long et elle ne les entend plus, elle quitte la voiture, appelle. Personne. Si c’est une blague, elle n’est pas drôle, fulmine-t-elle. Mais quand elle s’avance de quelques pas vers la forêt, un homme surgit et la prend en chasse, il est armé d’une hache, elle court vers la route, et se jette quasiment sous les roues d’un camion qui la prend à son bord et la conduit à la gendarmerie.

Là, Vivian raconte, affolée, supplie qu’on l’aide. La lieutenante Maëlys Mons envoie une équipe sur les lieux. Rien. Pas de voiture. Aucune trace. Ainsi commence une attente d’autant plus insoutenable pour Vivian que, dans ses rêves, qui semblent essayer de lui dire quelque chose, elle retrouve son mari et son fils.

L’incompréhension grandit lorsque la voiture est découverte au fond d’un marais, vide. Qu’est-il arrivé à Hadrien et Tom?

La lisière : entre rêve et réalité

“Quoi que tu entendes, ne détourne pas la tête. Il y va de ta vie dans ce monde, et de ton salut dans l’autre.”

Trois pages, c’est tout ce qu’il faudra à Niko Tackian pour nous plonger dans son roman, dans l’ambiance qu’il a mis en place et surtout pour qu’une certaine crainte se colle à nous jusqu’au toute dernière page. Tout est là pour nous plonger dans le bain, pour nous faire comprendre que le romancier allait s’amuser avec nous et nous lancer dans une intrigue délicieuse autour de certaines légendes bretonnes.
Tout commence à l’approche d’un col et de la vision du Roc’h Trévezel avec ses lames de quartzite tranchantes. Le paysage est loin d’être accueillant et il le sera encore moins par la suite, surtout quand le véhicule fait une embardée et que deux personnes disparaissent sans laisser de traces et qu’un étrange individu muni d’une hache fasse son apparition. La tension monte encore d’un cran, on fuit et plus rien. État de choc, voiture introuvable…

Que s’est-il passé cette nuit-là ? C’est la question qui va nous hanter jusqu’au bout de cette histoire et c’est aussi ce questionnement qui va perturber la santé mentale de Vivian. Impossible de comprendre dans les premiers instants ce qui a pu se passer, surtout lorsque l’héroïne semble être piégée dans un monde entre rêve et réalité. Monde qui va nous guider petit à petit vers une vérité qui sera difficile à avaler. Dans La lisière, le romancier s’attaque, une nouvelle fois, à la thématique de la mémoire défaillante en jouant, cette fois-ci, sur la corde raide entre pure fiction et réalité. Niko Tackian nous plonge ainsi dans la plongée inquiétante de cette mère de famille dans un cerveau qui lui joue des tours. La réalité se mélange aux rêves, parfois aux cauchemars, si bien que l’on finit par ne plus réellement savoir ce qui est vrai ou faux.
L’auteur accentue cette sensation d’étrangeté en faisant entrer en jeu le paysage breton et ses légendes, si bien que l’atmosphère devient assez rapidement anxiogène, voire horrifique à certains moments. Choix qui s’avère payant de mon côté, puisque j’ai pu y retrouver mon compte, mais pourra s’avérer plus complexe pour les esprits les plus cartésiens. 

Drame profond et enquête moderne

Ceci dit, Niko Tackian fait preuve d’une maîtrise absolue de son roman et de ses intentions, puisqu’il va jouer sur ces deux aspects jusqu’au bout et qu’il donnera à manger aux différents lecteurs. Outre l’aspect horrifique de son ambiance, La lisière est également un drame humain et social d’une grande force, mais aussi une enquête policière rondement menée. Le roman fait preuve d’une grande force en termes de rythme, si bien que l’on tourne les pages sans réellement s’en rendre compte. Le romancier n’offre jamais plus de cinq pages par chapitre, sans pour autant rien donner aux lecteurs. Chaque mot à son importance dans le récit, chaque phrase nous renvoie une image nette et précise, si bien que La lisière s’offre à nous comme un véritable roman visuel et sensoriel.

Les indices, bien que troubles, nous poussent à toujours aller plus loin, à creuser dans un passé que nous ne connaissons pas et dans des directions toujours plus complexes. L’enquête policière s’avère alors être terriblement prenante, tout en s’éloignant de l’aspect fantastique des rêves et des visions de son héroïne. Niko Tackian nous plonge dans une Bretagne bien plus réelle, bien plus contemporaine, autour d’un fléau qui est arrivé dans les villages et qui transforme radicalement certaines personnes. Sans être évoqué de façon frontale, le romancier nous offre une autre carte postale et nous immerge dans les problèmes quotidiens de certains métiers, au travers de cette quête de vérité d’une femme et d’une mère de famille prête à tout pour retrouver les siens. 

En bref, La lisière est un roman d’équilibriste réussi

Qu’on se le dise, la tension s’accumule assez rapidement dans ce roman et ce n’est pas l’atmosphère particulière mise en avant par Niko Tackian qui nous fera ressentir le contraire. La lisière, c’est aussi un roman où l’émotion va nous attraper et nous retourner dans ses derniers instants d’une poésie intense. Vous l’aurez compris, ce roman a su me saisir, a su m’apporter mon lot de bizarrerie, tout en m’offrant une enquête prenante dans un paysage souvent méconnu ou fantasmé. En bref, La lisière est un roman à découvrir !

Pour découvrir et vous procurer La lisière de Niko Tackian, vous pouvez cliquer sur ce lien. 

Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à l’épingler sur Pinterest !