Cinéma

Midsommar de Ari Aster (2019)

Alors que Hérédité ou Hereditary avait propulsé Ari Aster au rang des réalisateurs à suivre de très près, celui-ci récidive un an plus tard avec Midsommar. Le studio A24 lui donne une nouvelle fois carte blanche pour nous offrir un long métrage qui marquera l’histoire du cinéma et du cinéma de genre pendant très longtemps. Ari Aster concrétise sa maestria avec ce film qui dormait depuis 7 ans dans sa tête et dans les cartons. Midsommar marque, à mon sens, l’avènement d’un grand auteur. 

 Dani et Christian sont sur le point de se séparer quand la famille de Dani est touchée par une tragédie. Attristé par le deuil de la jeune femme, Christian ne peut se résoudre à la laisser seule et l’emmène avec lui et ses amis à un festival estival qui n’a lieu qu’une fois tous les 90 ans et se déroule dans un village suédois isolé.

Les mots vont être difficiles à poser, tant Midsommar est une oeuvre que l’on peut considérer comme à part dans l’industrie du cinéma. Ari Aster ose dans ce long métrage, joue avec sa mise en scène, ses thématiques et son design sonore pour nous plonger dans un cauchemar éveillé, un cauchemar lumineux. Le réalisateur s’inspire, tout en cassant les codes. Vous pouvez oublier le sempiternel long métrage horrifique qui se passe en pleine nuit. Ari Aster ose de le mettre en pleine lumière. Ari Aster propose bien plus qu’un film d’horreur et il va bien plus loin qu’avec Hérédité.
Midsommar dénote donc avec cette utilisation de la lumière qui irradie l’ensemble du long métrage. Ari Aster nous emmène en Suède durant le Solstice d’été, là où le soleil ne se couche presque pas (2 petites heures par nuit). Celui-ci nous coupe de tout repère, nous donne l’impression d’être dans un long rêve. Le réalisateur nous oblige à faire partie de cette célébration, afin de nous déstabiliser. Le Jardin d’Eden se transforme alors peu à peu en une expérience à la fois enivrante, hypnotisante, envoûtante et vertigineuse. 

Midsommar est une expérience qu’il faut vivre, qu’il faut ressentir au plus profond de nous. La sensation de malaise est omniprésente du début à la fin, sans pour autant être dérangeante au point de vouloir quitter la salle. Ari Aster propose un film dans la droite lignée d’un drame bergmanien, de la folie psychédélique d’un Jodorowky. Midsommar pourra également vous faire penser à The Wicker Man, tout en réussissant à s’émanciper de tout ça. Ari Aster en fait une oeuvre unique en son genre, une oeuvre personnelle et qui continue son décorticage de la structure familiale. Tandis qu’Hérédité nous plongeait dans la fatalité d’une famille et de sa destruction, Midsommar nous entraîne dans une rupture amoureuse et dans la déconstruction de la cellule familiale dite classique, voire archaïque. Ari Aster nous montre qu’il est possible de s’ouvrir et de trouver une famille autre part.
Le réalisateur se démarque encore une fois de l’industrie du cinéma par le choix de son rythme. Ari Aster maîtrise son long métrage, il donne ce qu’il a envie de donner au moment précis et tant pis si cela nous frustre. Il joue avec nous, car les événements restent prévisible, mais c’est aussi pour mieux marquer cette sensation de fatalité qui ne va jamais nous quitter. Midsommar, c’est un rouage qui est inarrêtable. Une transe lumineuse qui se joue dans notre esprit. Un poison, un psychotrope qui s’insinue en nous tranquillement et qui continue à se déverser bien après le générique. 

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Ari Aster fait entrer l’horreur par petite touche et par sa mise en scène. Le malaise intervient également avec cette sensation de grotesque qui plane au-dessus de cette situation. Midsommar est un parfait jeu d’équilibre qui le rend encore plus unique en son genre. Le rituel sera bien évidemment au centre de toute cette histoire, mais le basculement se fait tranquillement. Il s’amuse à marquer son spectateur par des petites touches visuelles qui marqueront facilement. Midsommar est marqué par une mise en scène jouant sur la symétrie des plans, mais aussi sur une photographie incroyable de Pawel Pogorzelski qui met en lumière le travail colossal du chef décorateur Henrik Svensson. Celui-ci nous donne l’impression d’être dans cette communauté et de participer à ce rituel païen. La bande originale de Bobby Krlic n’aura de cesse que de conforter cette sensation oppressante de huis-clos à la fois lumineux et sombre.  Le rituel et la communauté païenne de Hårga sont là pour nous montrer que la communauté prévaut sur l’individualisme. D’ailleurs, chaque rituel débute par la prise d’un psychotrope permettant le basculement, mais également de montrer les personnalités de chacun au grand jour. Midsommar devient alors un récit d’émancipation cathartique pour Dani, interprété majestueusement par Florence Pugh. Ari Aster nous montre l’évolution de la féminité, de la perte de celle-ci, à son ascension dans la spiritualité, mais également ce besoin d’appartenir un groupe social, à une famille. 


Midsommar me met dans une drôle de position. Je ne sais pas si je dois vous conseiller de le voir… D’un côté, j’aimerais qu’un tel cinéma soit vu par le plus grand nombre, sous peine de disparaître dans quelques années. Midsommar de Ari Aster, c’est de l’audace, c’est le contre-pied de ce qu’il se fait depuis un moment dans l’industrie du cinéma. Mais de l’autre, j’ai peur que vous n’appréciez pas le film pour ce qu’il est ou que vous passiez un mauvais moment devant.
Dans tous les cas, Midsommar est à voir au cinéma, ne serait-ce que pour vous faire bousculer, pour que vous puissiez entrer pleinement dans cette oeuvre mystique, obsédante et vertigineuse. N’oubliez pas que c’est vous, spectateur, qui façonnez l’avenir du cinéma. C’est ce genre là qu’il faut soutenir coûte que coûte.

Note : 5 sur 5.
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5 réponses »

  1. C’est une magnifique conclusion qui clôt ton propos sur une des œuvres majeures du renouveau du cinéma d’épouvante. Tu as raison de dire que « Midsommar » n’est pas un film de genre ordinaire, bien qu’il en arbore les codes classiques. Il creuse plus loin, bouscule les attendus pour mieux rejoindre la psyché de Dani. Il m’a fait le même effet que lorsque j’ai vu pour la première fois « The Descent », à savoir cette sensation de découvrir une nouvelle strate du genre, l’accès à de nouveaux possibles. Je souhaite à Aster néanmoins une évolution de carrière plus brillante que celle de Neil Marshall (ou celle de Robin Hardy dont l’ombre magique plane sur l’ensemble du métrage).

    Aimé par 1 personne

    • Je te rejoins sur l’effet qu’à eu The Descent sur le cinéma de genre quand il est sorti et encore aujourd’hui d’ailleurs. Je me souviens l’avoir vu au hasard en piochant parmi les tours de dvd gravés de mon grand frère… La claque, le choc et le réveil d’une peur encore inconnu pour moi. J’aime quand le cinéma me bouscule comme ça, me fait réfléchir et me montre que l’on peut aller toujours plus loin, même en usant des mêmes codes que les autres. Je crois que The Descend, Midsommar (Hérédité par la même occasion), It Follows et Mister Babadook représentent le renouveau.

      Aimé par 1 personne

      • Midsommar et the Descent utilisent un même point de départ, à savoir un traumatisme du personnage principal qui va conditionner notre perception de la suite des événements. Cela leur permet d’ouvrir la porte à des perspectives de développement passionnantes.
        Bizarrement It Follows, vu en salle, n’a pas totalement fonctionné sur moi. Je n’y ai vu qu’un hommage aux grands anciens du genre, à Craven comme à Carpenter. Bon film néanmoins, assurément efficace.
        J’ai lui beaucoup de bonnes choses sur Mister Babadook mais je n’ai toujours pas tenté ma chance. Il faut que je répare cette omission impardonnable.

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