Cinéma

[Retour Sur Saga] – Halloween : La nuit des masques de John Carpenter (1978)

1978. Une date qui restera gravé à jamais dans le cinéma horrifique. Sans le savoir, John Carpenter va populariser un genre déjà présent, mais peu connu (Black Christmas de Bob Clark (1974), La baie sanglante de Mario Bava (1971)), à savoir le Slasher. Il ne s’en doute pas, mais il vient d’établir les codes d’un sous-genre de l’horreur qui se répandra durant les années 80 et même dans les années 90.
Big John vient de sortir Halloween et il vient de donner naissance à l’une des figures les plus emblématiques de l’horreur au cinéma. Ce sera également l’une des oeuvres majeures du réalisateur, l’un de ses plus grands succès, qui lui a ouvert les portes de la célébrité et de la reconnaissance, enfin presque, mais c’est une autre histoire.
Halloween est aujourd’hui devenu un classique du genre, une référence dans le sous-genre du slasher, qui nous offre bien plus qu’un massacre d’adolescent. 

La nuit d’Halloween 1963. Le jeune Michael Myers se précipite dans la chambre de sa soeur aînée et la poignarde sauvagement. Après son geste, Michael se mure dans le silence et est interné dans un asile psychiatrique. Quinze ans plus tard, il s’échappe de l’hôpital et retourne sur les lieux de son crime. Il s’en prend alors aux adolescents de la ville.

Dès les premières minutes, John Carpenter réussit à nous immerger dans son histoire et frappe fort dans nos esprits. Le réalisateur joue de la vue subjective (déjà utilisait dans Black Christmas de Bob Clark) pour nous faire vivre le premier meurtre de cette histoire. On comprend vite que Carpenter souhaite prendre son temps, pour instaurer une ambiance oppressante et dérangeante. On déambule dans cette maison où le calme règne, on monte à l’étage et deux adolescents se font tuer. Le choc arrive par la suite, puisque l’on comprend que le tueur n’était autre qu’un jeune garçon à la bouille angélique, mais qui n’exprime rien… La figure du Michael Myers prend vie sous nos yeux et marquera la saga Halloween, mais également le monde du cinéma.
En un plan, John Carpenter nous montre le visage du Mal à l’état pur. Nous ne savons presque rien sur lui, à part les informations données par le docteur Loomis. Myers n’a pas de but, pas de sentiment. Une figure insondable et inarrêtable, que l’on retrouvera quasiment dans toute la filmographie de John Carpenter (The Thing, mais aussi Christine par exemple). Michael Myers est un tueur mutique, à l’aspect fantomatique qui n’est là que pour tuer. Comment arrêter ce que nous ne comprenons pas ? 

Ce n’est pas anodin si l’histoire se déroule le week-end d’Halloween. John Carpenter avait tout prévu pour lâcher son tueur mythique dans la nature. Halloween, c’est la fête parfaite où l’on s’amuse à faire peur et à se faire peur. C’est la soirée où les enfants sont seuls, sans parents, déguisés et prêts à arpenter les rues ou à se mettre devant la télévision pour regarder des films d’horreurs. Michael Myers passe inaperçu, il se fond dans le décor. Le tueur mutique peut se promener en toute tranquillité dans la rue pour s’attaquer aux baby-sitters. Halloween, c’est aussi un moment idéal pour que les adolescents bravent l’interdit et franchissent des limites. Tout semble accessible durant cette fête et c’est là que la figure de Myers entre en scène. Il est là pour montrer que les limites ne doivent pas être franchi au risque d’aller trop loin et de s’y perdre. Michael Myers devient la personnification d’une Amérique puritaine (personnification qui sera exacerbée deux ans plus tard avec l’arrivée de la saga Vendredi 13).
Le tout étant magnifié par la bande originale, devenue mythique aujourd’hui, de John Carpenter qui permet de ressentir cette menace qui se tient derrière nous. 

La suite du long métrage pourra paraître classique dans son déroulé et il pourra même en perdre plus d’un en route. Comme je le disais, John Carpenter prend son temps avec cette histoire. Il joue avec son spectateur comme Myers joue avec ses prochaines victimes. Michael Myers (The Shape) joue au jeu du chat et de la souris et nous montre qu’il est capable d’apparaître et de disparaître à tout moment. Carpenter joue avec cet aspect dans sa mise en scène et dans ses cadres, puisque Myers va apparaître au fond, telle une ombre. Le réalisateur est un artiste qui travaille son film et joue avec la tension que peut nous apporter le cadre en question. Il joue avec la sensation d’enfermement, d’être piégé dans un cadre serré où il sera difficile de s’échapper. Il nous offre également plusieurs points de fuite, où la menace devient alors multiple. Tout est calculé pour l’angoisse monte progressivement chez le spectateur.
Le film pourra vous sembler long, notamment si vous le découvrez en 2019, puisque le cinéma horrifique nous a habitué aux longs métrages rapides et ultra cuté, mais ne vous y méprenez pas, vous avez une oeuvre d’art devant les yeux. En s’inspirant du travail d’Alfred Hitchcock, John Carpenter offre un long métrage sobre et épuré où le sang n’aura que très peu de place. Halloween est un film qui se fait à l’économie et c’est aussi en ça que le film de John Carpenter se démarque et entre dans l’histoire. 

L’apogée de cette mise en scène et de cette mise en tension installée par John Carpenter arrive dans le dernier acte avec la confrontation entre Michael Myers, le Mal incarné et Laurie Strode (interprété par Jamie Lee Curtis). Halloween devient plus rythmé, plus brutal par rapport aux débuts, permettant à la tension d’être à son paroxysme. La lutte est intense, la peur ne nous quitte pas un seul instant, Michael Myers nous suit à la trace, jusqu’à une scène finale permettant de mettre en place une fin ouverte, propice à une suite (qui verra le jour comme vous le savez tous).
Si ce dernier acte peut sembler plus explosif, il n’est pas moins bourré de petits défauts. On ne peut que remarquer que le tueur insensible aux coups, aux balles, devient un véritable boulet qui vise à côté, qui se prend les pieds dans les meubles… Laurie Strode exemplaire en Scream Queen devient assez bête lorsqu’elle a l’occasion d’enfin arrêter ce massacre. Elle devient quelque peu cruche, mais c’est peut-être pour nous donner un sursaut d’angoisse qui sait…  

9 réponses »

  1. J’aime beaucoup la photo qui clôt l’article et qui fait référence à ce moment où Myers contemple son « œuvre » macabre, tel un artiste de la mort. C’est dans ces moments de mise en scène que Carpenter est grand, et qu’il dépasse en effet le simple exercice de style qui consiste à croiser les grands courants du cinéma horrifique en vogue, à savoir Black Christmas en effet (une fête populaire qui sert de terrain de jeu à un tueur), Psycho (le premier slasher? Et Carpenter de faire jouer ici la propre fille de la victime d’Hitchocock) mais aussi tous ces films d’enfants démoniaques au premier rang desquels on trouve évidemment l’Exorciste et The Omen.
    Très chouette article qui me donne envie de revoir le film, et qui montre à quel point aucun remake ne lui arrive à la cheville.

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    • Merci pour ton retour qui fait vraiment plaisir ! Ton rapprochement avec les films d’enfants démoniaques est vraiment intéressant et pour le coup je n’avais pas fait le rapprochement, alors que le petit Michael en tient une belle couche…
      Ça faisait longtemps que je n’avais pas revu cette saga et celui-ci est vraiment à part. Carpenter est un auteur talentueux qui joue avec sa mise en scène et son atmosphère pour offrir une œuvre multiple.
      Et c’est vrai qu’aucun remake ne lui arrive à la cheville 🙂

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      • Contrairement à celle de Freddy, c’est une sag que je nai jamais poursuivie plus loin que le premier film (je mets les remakes à part) Sans doute parce que les suites n’étaient plus l’œuvre de Carpenter, bien qu’il fut toujours producteur et parfois même scénariste comme pour le deuxième. Je remédierai à cette lacune un jour.
        Celui-ci est vraiment un bijou de mise en scène.

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        • J’avais quand même déjà tout vu, mais ça ne m’avait pas autant marqué que l’univers mis en place par Craven. Le côté onirique et terrain de jeu pour ce tueur brûlé m’a sûrement plus marqué quand j’étais plus jeune.
          Myers est un tueur qui s’apprivoise sur le tard. Lorsque l’on comprend enfin que c’est le mal absolu. Pour le moment, j’ai revu jusqu’au 3eme et c’est du bon. Le deux est la continuité directe du premier, mais un côté bourrin à la V13. Tandis que le 3 renoue avec le style atmosphérique de Carpenter et ce côté village inquiétant et sans visage (que l’on retrouve très souvent dans la filmo de Big John). Si je me souviens bien, la suite tombe de plus en plus dans les tréfonds du bon goût…

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