Le mois de mai est devenu un rendez-vous à ne pas manquer au fil des années, puisque nous retrouvons l’écriture de Franck Thilliez dans nos librairies. Avec Norferville, toujours publié chez Fleuve éditions, le romancier nous invite à un voyage difficile dans le Grand Nord canadien. J’espère que vous êtes bien équipés, parce que l’enfer ne se trouve pas loin et qu’il y fait -45°c…

La 4eme de couverture

Dans l’univers hostile du Grand Nord, personne ne vous entend crier.
Détective et criminologue à Lyon, Teddy Schaffran apprend que le corps de sa fille a été découvert dans une ville minière très isolée du Grand Nord québécois, Norferville.
Morgane a été sauvagement mutilée, abandonnée dans la neige non loin d’une réserve autochtone. Sans réfléchir, Teddy plaque tout pour se rendre sur place, bien décidé à comprendre ce qui s’est passé.
Là-bas.

Norferville : un auteur qui surprend

Qu’on se le dise, Norferville de Franck Thilliez est une réelle réussite en tout point. Bien évidemment, on retrouve tout ce qui fait la force de l’auteur : son écriture toujours aussi fine et vive, son envie de nous plonger dans un nouvel univers à chacune de nos lectures, des personnages complexes, attachants et ayant de profondes failles, mais aussi et surtout cette envie de nous immerger dans une enquête. Cependant, le romancier a de quoi surprendre son lectorat dans ce roman. Oubliez tout de suite ce qui a fait la renommée de Franck Thilliez, puisque Norferville laisse de côté la science et autres joyeusetés pour nous plonger corps et âme dans un drame humain et social d’une intensité et d’une rage folle.

Dans ce nouveau roman, l’auteur nous offre une enquête toujours aussi complexe et prenante autour du meurtre présumé d’une expatriée française sur le sol de Norferville. Le problème, c’est que la victime est la fille d’un expert travaillant avec la police sur des cas complexes. Ni une, ni deux, le père de famille, qui n’a plus rien à perdre, débarque sur place et il est prêt à remuer la merde. Autant vous dire que cette enquête ne sera pas une partie de plaisir, tant la noirceur du lieu va exploser aux visages de tous les enquêteurs. Parce que Norferville n’est pas un lieu comme les autres…

Vous l’aurez compris, Franck Thilliez met en place plusieurs personnages de grandes qualités. D’un côté, cet expert français qui plonge dans le trou du cul du monde, afin de voir sa fille une dernière fois, de comprendre ce qu’il s’est passé et surtout pour mettre la main sur la personne qui a fait cela. On sent que le personnage est à fleur de peau, qu’il essaie de se contenir, mais qu’il est prêt à tout, même au pire, pour retrouver le coupable. De l’autre, nous avons une enquêtrice ayant vécu à Norferville une bonne partie de sa jeunesse et qui vit avec un traumatisme lié à cette ville depuis un moment. L’idée de revanche est là, ainsi que celle de faire éclater la vérité, de briser les chaînes de son peuple et de tuer le serpent qui se terre dans les rues de cette cité.

Franck Thilliez joue alors dans une autre catégorie en nous offrant un roman social d’une force incroyable. Norferville nous immerge dans un combat de tous les instants, dans une lutte de classe sous-jacent, dans un lieu où le capitalisme a tout détruit sur place, les Hommes comme la nature. Ce roman nous parle des natifs nord-américains qui se voient déposséder de leurs terres au profit des projets minier, qui plongent les habitants dans l’argent, la violence, l’alcool et la drogue. Les blancs les exploitent, les tiennent en laisse, les détruisent à petit feu. Le romancier explore ces thématiques avec une précision chirurgicale, si bien que l’on ne peut pas refermer ce roman sans avoir ce sentiment de rage au fond de nous. Norferville nous montre à quel point l’humain est capable du pire pour le profit, par cupidité, par égoïsme et que chacun ferme les yeux devant l’horreur qui se joue devant nous.

Norferville : le lieu qui te dévore

Outre son côté enquête qui fonctionne à merveille et ses incroyables personnages, Franck Thilliez met en place un autre dispositif, celui de la ville qui est au centre de tout. Norferville peut être considéré comme le personnage principal de ce roman, tant elle prend une place importante et que l’on a l’impression qu’elle est toujours là, à nous épier, à nous pourrir de l’intérieur, à nous détruire. Vous l’aurez compris, le romancier joue avec son atmosphère pour nous prendre dans ses filets, pour jouer avec une tension constante et donner cette impression que ce lieu est vivant.

Franck Thilliez réussit parfaitement à donner vie à tout cela et vous comprendrez très vite que l’on se sent éloigné de tout et enfermé dans cette cité minière. Le froid nous transperce, ne nous quitte pas et rend cette ville encore plus infernale qu’elle ne l’est. Car Norferville, c’est le genre de lieu qui dévore ses habitants et qui les recrache par la suite. C’est le genre de ville où la noirceur et la crasse ont tout envahi.
On se méfie de tout, de tout le monde. La paranoïa n’est pas très loin, les hostilités sont au coin de notre porte et on sent que tout peut basculer à n’importe quel moment. C’est cette sensation qui ne va jamais nous quitter et qui est parfaitement maîtrisée par son auteur. Norferville, c’est le genre de roman qui se vit, qui se ressent, quitte à perdre encore un peu foi en l’humanité.

En bref, Norferville de Franck Thilliez est un roman puissant

Vous l’aurez compris, en changeant un peu de formule Franck Thilliez surprend et nous offre un roman social et politique d’une très grande force. Norferville est un cri du coeur, une envie de nous ouvrir les yeux sur ce qui se passe sur une partie du monde, mais qui peut être transposé à d’autres lieux sur Terre. Franck Thilliez frappe un grand coup et nous prouve, encore une fois, qu’il est le maître du thriller et du roman policier français. C’est disponible en librairie et je vous invite à vous ruer dessus. COUP DE CŒUR !