Le confinement, c’est aussi l’envie de relire un roman qui a marqué mon adolescence, histoire de voir si je suis toujours le même lecteur, si l’oeuvre me touche toujours autant.
SPOILER : C’EST OUI.
Laissez-moi vous parler de la folie d’un monde avec Battle Royale de Koushun Takami publié aux Éditions Calmann-Levy, puis aux Éditions Hachette et également disponible aux Éditions Le Livre de Poche.
La 4eme de couverture
Dans un pays asiatique imaginaire existe un programme gouvernemental connu sous le nom de « Battle Royale ». Chaque année, une classe de 3ème est choisie au hasard, emmenée sur une île coupée du monde, et les collégiens doivent combattre entre eux jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un…
Battle Royale : la folie d’un monde
Ouvrir Battle Royale de Koushun Takami, c’est la quasi-certitude de se prendre une oeuvre coup de poing, une oeuvre glaçante dans la face. Souvent copié, mais jamais égalé, ce roman est une pièce maîtresse, une critique de notre société, de la folie des Hommes et de la politique de ce monde. C’est simple, Battle Royale est une oeuvre totale, sans concession, qui peut être vue comme une dystopie, mais également comme une uchronie. L’auteur nous embarque dans un survival fou, dramatique et survitaminé qui ne laissera personne indifférent…
Amateur de roman noir, de violence et de sociologie, ce roman est fait pour vous.
42. C’est le nombre de collégiens que vous allez voir s’entretuer sur une petite île. Je ne vous cache pas que les premiers chapitres sont assez compliqués à aborder, ne serait-ce que par les noms et prénoms de participants. Il va falloir s’accrocher sur quelques pages pour ensuite entrer pleinement dans ce roman et pour ainsi ne plus le lâcher jusqu’à la fin. Koushun Takami prend son temps pour nous exposer tout ce qu’il se passe et pour nous faire intégrer cette classe de 3ème qui part en voyage de fin d’études. L’auteur nous décrit les différents collégiens, les affinités, les histoires de chacun pour que l’on ait l’impression d’être aussi un élève qui profite de ce voyage. Au départ, on ne sent pas le danger. On est clairement dans l’insouciance de la jeunesse et dans l’exaltation de partir en voyage avec nos amis. Cette douceur laissera vite place au choc brutal et au commencement du Battle Royale. C’est dans une violence psychologique que le programme est présenté aux élèves médusés, incapables de se rebeller. Les règles du “jeu” nous tombent dessus. D’une simplicité enfantine, celles-ci nous assomment, si bien que l’on ne comprend pas tout de suite ce que cela implique…
Voici les règles du Battle Royale :
- Les élèves sont lâchés sur une île vidée de ses habitants et sont surveillés par des militaires.
- Toute fuite de cette île est impossible.
- Les 42 collégiens doivent s’entretuer et tous les coups sont permis.
- Le jeu s’arrête lorsqu’il ne reste plus qu’un seul élève en vie.
- Si aucun mort n’est à déclarer dans les premières 24 heures, tous les élèves seront tués.
- Le gagnant sera annoncé à la télévision.
- Le gagnant remportera une signature du Reichsführer, ainsi qu’une pension à vie.
- Pour corser le jeu, l’île est divisé en plusieurs zones. L’organisateur préviendra les élèves toutes les six heures des zones à éviter, sous peine d’être exécuté.
- Les élèves sont équipés d’un collier qui les surveille en temps réel et qui explose lorsque l’on essaye de l’enlever.
- Chaque élève dispose d’un paquetage qui comporte : une carte de l’île, une montre, une boussole, de l’eau, des vivres, une torche électrique et une arme attribuée au hasard.
Les élèves sont appelés un par un, le jeu commence et la folie s’empare de nous. Que faire pour survivre ? Courir ? Se cacher ? Tuer ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, les premiers morts arrivent dès les premières minutes du jeu. Peut-on les blâmer ? Je ne pense pas, car la peur peut nous faire réagir d’une drôle de façon dans une situation comme celle-là. C’est avec une ironie absolue que l’auteur débute ce jeu de massacre, puisque chacun des participants disposent d’une arme différente, dangereuse ou non. On ne peut pas s’empêcher de sourire lorsqu’un des élèves se rend compte qu’il ne dispose que d’un jeu de fléchettes dans son sac, alors que le camarade en face dispose d’un pistolet-mitrailleur. Le hasard de la vie apporte bien des surprises et cela apporte du rebondissement durant la totalité du récit, puisque l’on ne sait jamais à quoi s’attendre quand les élèves se croisent sur cette île. L’auteur se joue de nous et nous place dans une position inconfortable où la peur pour les personnages, la rage d’une telle situation et le plaisir de suivre ce jeu meurtrier, se côtoient pour nous détruire et nous transformer en spectateur voyeur, à la fois impuissant et addict. Battle Royale, c’est 800 pages de folie qui se lisent à une vitesse incroyable. L’auteur fait tout pour que les pages se tournent sans que l’on s’en rende compte. On est dans le jeu, on participe à la tuerie et on en ressort lessivé, meurtri…

Koushun Takami transforme son roman en une oeuvre résolument horrifique et psychologique. L’auteur ne lésine pas sur les détails des meurtres, sur le sang qui coule, les viscères qui sortent du ventre des victimes, sur le liquide qui se répand du crâne lorsque l’on en retire une hache. Autant vous prévenir tout de suite, Battle Royale a de quoi en choquer plus d’un et c’est bien normal. Mais le romancier maîtrise son histoire d’une main de maître et ne vous proposera pas que de l’horreur à tout va, bien au contraire. Celui-ci va nous faire suivre tour à tour certains élèves et nous faire plonger dans des flashbacks permettant ainsi d’entrer en empathie avec certains. C’est à travers ce mécanisme que l’auteur va amplifier l’horreur de la situation, puisque l’on s’attache aux élèves, tout en sachant qu’ils peuvent mourir devant nos yeux à tout moment.
Pour mettre en scène toute cette folie, l’auteur ne se contente pas de nous faire suivre un jeu barbare sans fond. Koushun Takami part d’un constat fou, le Japon n’est plus et est remplacé par la République de Grande Asie. Ce nouveau pays est gouverné par un leader, aussi appelé Reichsführer, et celui-ci a instauré une République National-socialiste, qui ressemble à s’y m’éprendre au 3ème Reich. Contrôle de la population, contrôle des données, contrôle des informations, des importations et politique de la terreur sont au menu…
Le pays ne rebelle pas, car les habitants jouissent d’un niveau de vie élevé, si bien que l’individualisme prime sur le reste. Entre désillusion de la jeunesse face à un avenir sombre et métaphore du passage à l’âge adulte, Battle Royale est là pour nous montrer comment une situation peut tout faire basculer et transformer l’innocence des jeunes adolescents. Les masques tombent, la folie apparaît et le programme montre au reste de la population que tout le monde peut basculer, si bien que la paranoïa, la peur de l’autre s’installe. Le programme évoque également la dureté de notre monde actuel où l’individualisme prime sur le reste. Le monde adulte est sombre, cruel et c’est souvent le plus fort qui l’emporte sur les autres. Le jeu est là pour nous apprendre à écraser notre adversaire, notre voisin, notre ami…
Il est indéniable que Koushun Takami nous livre une oeuvre noire sur notre société et le capitalisme à outrance. Il y a peu d’espoir dans ce récit, mais il existe une petite lueur au bout du tunnel. Cette lueur, c’est l’amitié, l’entraide, le partage et le collectif. Ensemble, nous sommes plus fort. Ensemble, nous pouvons renverser un système entier. D’un roman horrifique sans concession, Koushun Takami parvient à transformer son roman en une oeuvre politique, sociale incroyablement forte et cruelle.
Bon, je crois que vous aurez compris que ce roman tient une place importante dans mon coeur de lecteur et que je vous conseille fortement la lecture de Battle Royale. Je n’ai rien d’autre à ajouter. Lisez-le, prenez vous une bonne claque et réfléchissez sur le monde qui nous entoure.
Catégories :Coup de coeur, Littérature
J’ai bien aimé l’adaptation ciné de Futasaku, même si j’ai l’impression que le roman a été grandement simplifié, d’après ce que tu décris.
Ce qui m’a marqué (et décontenancé) surtout, c’est l’écran du dvd qui demandait de choisir sur quel élève on souhaitait parier avant le début du film. Pour qui découvre l’histoire pour la première fois, cela change le regard que l’on porte sur tel ou tel personnage, puisqu’on s’implique nous-même dans le jeu avant d’en comprendre l’aspect sordide.
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Je confirme que le roman est bien plus développé que ce soit au niveau background politique et personnages. Ça permet de s’attacher plus rapidement aux personnages 🙂
Je me souviens aussi très bien de ce menu qui donnait l’impression de choisir ton joueur pour gagner la partie. Efficace à mort !
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