Il existe dans cette basse terre des auteurs qui nous font vivre des choses particulières. Que l’on sait d’office, en lisant les premières pages du dît roman, que l’on sera trimbalé à droite à gauche pour notre plus grand plaisir. Que l’on lit, en apnée, bouteille d’oxygène à proximité pour nos pauses, le café ou le thé qui refroidit peu à peu près de nous et l’envie toujours grandissante de tourner les pages jusqu’au dénouement final qui nous laisse pantois. En cela, Norek, Fitzek me donnent de bonnes sueurs. Cavanagh dernièrement s’est aussi exprimé de bien belles façons. Et si je dois citer un dernier auteur complétant cette belle liste, c’est indéniablement Robert Pobi. Ce journaliste américain de profession est un bonheur à lire. Son premier roman, l’invisible, dans le milieu de la peinture, se passait sur une île lors d’une tempête. C’était déjà une très belle expérience de lecture. Les innocents… À New York, des meurtres atroces sont commis. Alexandra Hemingway menait l’enquête, avec sa face défigurée et son caractère bien trempé. Un livre qui m’a marqué, tant par son rythme, ses découvertes macabres que par cette mise en place, au niveau des chapitres et de la construction de l’histoire. Remarquable. Dans ce troisième titre, Robert Pobi reste à New York. Il y a tant de choses qui peuvent se passer dans une de ces plus grandes villes du monde. Avec toujours un style reconnaissable, brut et bien étayé, notamment dans les explications et le développement de ses personnages, Pobi nous livre ici un très grand thriller avec City of Windows. Sans tomber dans le gore, bien que de multiples bouts de cervelle se retrouvent étalés sur les cloisons murales, il nous permet une lecture glaçante dans une atmosphère close, provoqué par les conditions météorologiques difficiles, par ce sniper qui décime des personnes et par cet enquêteur, probablement atteint d’Asperger, qui nous ravit par sa personnalité.
City of Windows, de Robert Pobi chez Equinox: une masterclass.

Pobi construit ses livres intelligemment. Loin de moi l’idée de dire que les autres, moi y compris, ne le font pas, mais il y a chez lui cette certitude que l’on sait où l’on va, sans trop savoir de quelle façon on va y aller. En commençant ce livre, je savais que j’allais y voir des morts. Nombreuses. Que je serais largué de bout en bout, tout comme l’enquêteur. Ce qui est plus ou moins juste, parce que ses déductions sont étonnantes. Mais le roman, qui s’étale sur 500 pages, nous offre de nombreux rebondissements qui nous mettent à l’épreuve. Pobi est un auteur qui nous apprend des choses sans que ce soit barbant à lire. Les passages explicatifs, que ce soit pour faire avancer l’histoire, des anecdotes ou culturels, sont racontés avec parcimonie, avec justesse, de sorte qu’on ne perde pas le fil de notre lecture. Tandis que habituellement, ces passages sont écrits lors de dialogues, ici ils sont narratifs et c’est fort bien exécutés.

Dans cette atmosphère inédite d’un New York plongé depuis deux semaines dans une vague de froid sans précédent, qui au passage pourrait avoir lieu dans quelques années sans une réelle prise de conscience écologique, un sniper sévit. Dès les premières pages, déjà deux victimes. Dont une innocente, percutée par une voiture dont le chauffeur a perdu littéralement la tête. Faire vivre un thriller avec un sniper comme meurtrier, c’est bien moins jubilatoire que l’arme blanche ou des objets insolites. Je revois encore cette vidéo YouTube dans ma jeunesse « The horribly slow murderer with the Extremely Inefficient Weapon », d’un tueur à la petite cuillère qui poursuivait une personne. C’est drôle à souhait, mais dramatique également.
Restons néanmoins dans le propos, la tension est maximale justement par la présence d’un sniper. Tandis qu’un assassin peut se trouver dans la foule, il doit quasiment être en contact direct avec une personne pour surgir. Ici, la distance a son importance. Ensuite, l’endroit, d’où le tir pourrait partir. Dans cette ville aux nombreux gratte-ciels, immeubles gigantesques, qui possède des milliers et milliers de fenêtres, le cadre est parfait pour y glisser l’œil derrière sa lunette et de presser la détente. Encore faut-il être adroit, en prenant en compte le vent, l’humidité ou encore le stress. Quand on presse la détente, on n’a droit qu’à un coup, et souvent à plus de 1200 mètres. Bon courage !
Notre sniper lui est très aguerri. Il décime du monde. Et c’est là qu’intervient Lucas Page, enfant très intelligent adopté, qui travaillait un temps au FBI et qui s’est reconverti en prof, atteint d’Asperger et spécialiste des sciences. Il voit des chiffres, qui l’aident à identifier les trajectoires et donc les provenances des tirs. C’est brillant. Son ancien patron lui demande de revenir afin de les aider. Il refuse, mais ce dernier est très insistant. Commence alors une grande enquête et une vraie traque.
De nombreux mystères, un rythme effréné et des révélations folles, ponctué de bons meurtres bien dégueux nous confrontent au terrorisme, à l’écologie, à la balistique et d’autres sciences, jusqu’à ce que les événements avancent et nous emmène à l’ultime révélation, la seule logique dans ce fourbi d’informations, d’un personnage que nous avons déjà croisé auparavant. Une conclusion par ailleurs brillante et émotive qui ne m’a pas laissé de marbre. Pobi sait jouer avec mon cœur, ma tête et mon esprit, m’a rendu addict le temps d’une nouvelle lecture, pour me faire dire, une fois de plus, de le découvrir par vos soins !
Pobi signe ici un super thriller bien construit au sein d’une ville englouti sous la neige. Le roman est étouffant et l’ambiance excellente pour nous plonger corps et âme dans un thriller efficace et détonnant !
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