C’est dans un contexte mondial sombre, décadent et extrémiste que la lecture occupe une part importante. Que ce soit pour échapper à une situation difficile ou pour pousser sa réflexion et son questionnement, la littérature est un art qui libère l’humain de ses entraves.

C’est avec cette idée que je me lance dans une sélection de cinq romans entièrement voués à l’anticipation.
Une œuvre d’anticipation décrit le monde tel qu’il pourrait être dans un futur proche (quelques mois, années ou dizaines d’années) ou plus lointain (des siècles ou des milliers d’années). Les auteurs puisent généralement dans l’actualité de leur époque, dont ils extrapolent les possibles évolutions futures afin de tenter de donner un aperçu réaliste du futur. Dans un même registre, l’uchronie développe une histoire alternative (Fatherland et la victoire de l’Allemagne Nazie durant la Seconde Guerre Mondiale).

Running man de Richard Bachman alias Stephen King

Bienvenue aux États-Unis, vous êtes actuellement en 2025. Dans ce roman de Stephen King, les États-Unis d’Amérique sont devenus totalitaires. Pour abrutir et contrôler la population, le gouvernement nommé « Le Réseau » dispose de deux armes : la télévision et les jeux. En effet, le Libertel est une télévision dont chaque foyer dispose et qui diffuse en boucle des jeux télévisés. Ce contrôle permet au Réseau de faire oublier les conditions de vie déplorables de la population (grande pauvreté, pollution importante de l’air) et de donner un bouc émissaire. Le Réseau dispose d’un jeu qui fait fureur « La Grande Traque ».

C’est dans ce contexte particulier que prend place l’histoire de Ben Richards, chômeur de longue date, marié à Sheila, et dont le bébé est proche de la mort. Le couple ne pouvant pas payer le traitement capable de la soigner, Ben Richards se livre au Libertel. Après un long tri dans la sélection des candidats il est retenu pour participer au jeu le plus prestigieux et le plus dangereux du réseau: La Grande Traque. Une chasse à l’homme qui se déroule dans le pays entier et à laquelle tout le monde peut participer. 30 jours à tenter de fuir des tueurs professionnels et la population. Si une personne peut prouver qu’elle a vu Ben, elle reçoit 100 dollars. Mais si son information amène à l’exécution de Ben, elle touche 1000 dollars. De quoi bien motiver un peuple relativement pauvre. Ben, quant à lui, touche 100 dollars de plus s’il parvient à tuer un membre des forces de l’ordre.
Si Ben Richards survit à ces 30 jours, il touche 1 milliard de dollars.

Stephen King se pose en visionnaire dans ce roman puisqu’il montre l’envahissement de la télévision et des jeux télévisés dans nos foyers. Aujourd’hui, le monde est envahi de jeux et de télé-réalités plus abrutissantes les unes que les autres.
Stephen King dénonce également le pouvoir des médias sur le contrôle de la population et sur la création, la transformation des images.

Marche ou crève de Richard Bachman alias Stephen King

C’est encore avec Stephen King que cet article se poursuit. Ici, il nous présente une nouvelle fois les États-Unis d’Amérique sous le joug du totalitarisme. Peu d’informations à propos de celui-ci, mais il semblerait que le pays soit gouverné par un chef militaire très charismatique que l’on nomme le Commandant. L’année n’est pas évoquée par l’auteur mais il semblerait tout de même que nous soyons dans un futur très proche.

Stephen King évoque une épreuve sportive que l’on nomme « La Grande Marche ». Chaque 1^er mai, cent adolescents partent du Maine pour une longue marche traversant toute la région. La règle est simple, les cents adolescents doivent marcher jour et nuit, sans interruption, jusqu’à ce qu’un gagnant soit déclaré.
Cette longue marche est surveillée par les militaires qui n’hésiteront pas à tuer les jeunes adolescents. Elle contient de nombreuses règles permettant l’élimination des candidats par la mort.

Ce roman peut être vu comme le prémice de Running Man. Stephen King nous montre une nouvelle fois les dangers de la télévision et des jeux télévisés puisque La Grande Marche est retransmise en direct.
C’est une société en dérive que nous voyons dans ce roman. Une société extrémiste qui met en jeu la vie de jeunes adolescents. Cette dérive est visible dans le comportement des civils qui viennent acclamer les jeunes participants et qui viennent surtout voir leur souffrance. Mais cette dérive est également visible avec les participants puisqu’ils se sont inscrits volontairement pour faire plaisir au Commandant.

1984 de George Orwell

Comment parler de roman d’anticipation sans évoquer 1984 de George Orwell. Remis sur le devant de la scène avec l’élection de Donald Trump aux États-unis d’Amérique, 1984 est LE roman d’anticipation qu’il faut avoir lu dans sa vie.

George Orwell décrit dans son roman une Grande-Bretagne 30 ans après une guerre nucléaire qui a eu lieu dans les années 50. Nous sommes donc en 1984 et le monde est divisé en plusieurs blocs, tous sous domination totalitaire.
1984 relate donc la vie sous cette domination totalitaire en Grande-Bretagne. Le gouvernement a la main mise sur le peuple et sur la télévision. Toutes les libertés sont proscrites, les pensées sont surveillées et de grandes affiches sont placardées dans la ville avec la mention « Big Brother is watching you ».

George Orwell développe un état totalitaire où le culte de la personnalité fait rage. Big Brother est affiché partout pour rappeler au peuple qu’il est surveillé. Cet état participe également à la création de sa propre vérité et sur son propre passé en trafiquant les archives. Nous assistons à un véritable lavage de cerveau dans 1984.
De plus, la population est constamment surveillée par l’utilisation des télécrans que nous retrouvons partout (dans les maisons, sur les lieux de travail et dans les rues). Ces télécrans permettent de diffuser en continu les messages du parti mais également de surveiller toutes les communications du peuple. C’est avec ironie que la Grande-Bretagne est aujourd’hui la plus équipée au niveau de la surveillance. On compte environ une caméra pour quinze habitants.
De plus, George Orwell traite de la dénonciation puisque dans 1984 les enfants sont embrigadés dès leur plus jeune âge pour dénoncer leurs parents.

Fahrenheit 451 de Ray Bradbury

Ray Bradbury signe également un roman qui fait foi dans le monde de l’anticipation. Fahrenheit 451 raconte l’histoire d’un état totalitaire où la lecture est vue comme un acte antisocial. La lecture permet la réflexion et le questionnement. Le gouvernement a alors mis en place un corps spécial de pompier pour brûler tous les livres.

Ray Bradbury utilise le contexte du Maccarthysme pour y dévoiler son histoire. En effet, les intellectuels sont éliminés sur dénonciation de leur voisin dans le but d’assurer la sécurité nationale et le bonheur commun. En effet, de 1950 à 1954, les États-Unis d’Amérique connaissent une période de chasse aux sorcières chez les intellectuels. De nombreuses personnes sont ainsi suspectées d’adhérer aux idées du bloc communiste.
Plusieurs valeurs ont disparu de ce monde : l’amour (le protagoniste de l’histoire ne se souvient plus de sa première rencontre avec sa femme), et l’intelligence puisque la population se contente de l’opinion officielle. Ray Bradbury dépeint une société primitive puisqu’elle pratique la violence pour le bonheur commun.
Selon Ray Bradbury cette situation est dûe à la culture de masse qui a engendré la soupe commerciale (que ce soit dans la littérature, le cinéma ou la musique). Cette soupe culturelle a éloigné la population vers la télévision et le sport. De là à faire un parallèle avec notre société actuelle il n’y a qu’un pas.
Mais cette situation est aussi dûe à la non participation des intellectuels. Aucun d’eux n’a protesté face à la montée de ce totalitarisme.

La planète des singes de Pierre Boulle

Pour finir, j’évoquerais un roman plus particulier. La planète des singes de Pierre Boulle parle de l’exploration d’une nouvelle planète par trois hommes. Cette planète est similaire à la Terre, sauf que ce sont les singes qui dominent. Ils sont supérieurement intelligent tandis que l’homme est rendu à l’état animal.

Nous ne sommes plus face à un roman politique mais bien à une anticipation scientifique. Pierre Boulle revient sur les travaux de Darwin et imagine un monde où l’Homme se fait dépasser sur l’échelle de l’évolution. Ce sont les singes qui deviennent supérieurement intelligent et qui utilisent les hommes pour la basse besogne. L’auteur revient sur la théorie de la relativité par Albert Einstein expliquant la dilatation du temps et le retour sur terre dans un futur lointain.

Il est tout à fait possible de remettre ce roman dans notre contexte actuelle. Le film La planète des singes : origines datant de 2011 réussit parfaitement cette explication. Plus de voyage dans l’espace pour expliquer la dilatation du temps mais une action qui se passe directement sur Terre et à notre époque. Cette version de La planète des singes critique ouvertement l’utilisation des animaux à des fins scientifiques et financiers. C’est avec des traitements thérapeutiques que le singe devient aussi intelligent que l’Homme. S’en suit alors une révolte visant à savoir quelle espèce domine l’autre.

En refermant cette sélection n’oubliez pas qu’il est important d’analyser le monde qui nous entoure et de tirer les conséquences du passé. Je pense que la littérature et les autres formes d’arts sont extrêmement importantes à l’heure actuelle. Elles permettent au public de réfléchir et de se questionner sur le monde qui nous entoure et sur les conséquences de nos actes présents.