Cela arrive rarement ces derniers temps, mais la sortie de cette bande dessinée sur l’affaire du petit Grégory a créé un petit engouement en librairie. Qu’est-ce que ce titre a de si particulier ? Pourquoi se démarque-t-elle des autres œuvres traitant de l’affaire ? Retour sur Grégory, une bande dessinée par Pat Perna au scénario, Christophe Gaultier au dessin et à la colorisation et avec la participation de Jean-Marie Villemin, le père de Grégory. Une œuvre prévue en deux tomes et publiée aux Éditions Les Arènes. 

Le résumé : 

Le 16 octobre 1984, les gendarmes repêchent dans une rivière des Vosges le corps sans vie d’un enfant de quatre ans, Grégory Villemin. Son bonnet est rabattu sur son visage, ses pieds et ses mains sont liés. Le lendemain, une lettre anonyme arrive au domicile de ses parents.

« J’espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voila ma vengeance. Pauvre con. »

Grégory : La BD qui ravive une enquête française emblématique

Cela fait quarante ans, cette année, que le petit Grégory a trouvé la mort dans des circonstances qui restent encore mystérieuses à ce jour. Qu’on se le dise, l’affaire du petit Grégory a défrayé la chronique et c’est, sans aucun doute, l’une des enquêtes que les Français connaissent sur le bout des doigts, tant on connaît les moindres détails. Il faut dire que tout est réuni pour en faire l’affaire du siècle dernier. L’âge de la victime, les médias sur place qui ont fait vivre l’enquête et qui ont surtout créé un précédent, les multiples rebondissements et surtout aucune condamnation au bout. L’affaire fascine et ce ne sont pas les œuvres traitant du sujet qui me feront dire le contraire. D’autant que l’enquête a connu une réouverture en 2008 grâce aux nouvelles techniques scientifiques, puis de nouvelles mises en examen en 2017…

La question se pose. Qu’est-ce que Grégory de Pat Perna et Christophe Gaultier peuvent apporter de nouveau dans cette enquête que l’on connaît par cœur ? La première chose que l’on remarque sur la couverture, c’est le nom de Jean-Marie Villemin, le père de Grégory, et surtout la préface qu’il signe. On découvre alors la genèse du projet, puisqu’il a lui-même donné son accord, pour la première fois, et que l’on peut même dire qu’il est lui-même à l’origine de ce projet, le faisant ainsi sortir d’un silence qui a duré 20 ans. 
Le choix se porte alors de mettre en images le procès de Jean-Marie Villemin datant de 1993 pour le meurtre de son cousin, Bernard Laroche. Un choix qui n’est pas anodin, puisque Laroche était considéré comme le suspect principal dans le meurtre du jeune Grégory…

L’auteur, accompagné de Villemin, jouent avec les temporalités pour découvrir le passé et les quelques moments de vie de famille et avec le style du procès pour nous offrir une bande dessinée assez austère, mais qui réveille en nous de nombreux sentiments. La bande dessinée Grégory peut sembler bavarde a bien des égards, mais celle-ci nous éclaire un peu plus sur l’atmosphère qui régnait durant cette période et ces quelques jours au tribunal de Dijon. On découvre alors les comportements de la famille Laroche, les points de vue douteux de certains avocats. La tension est là, l’aigreur aussi et la haine n’est pas loin. L’auteur insiste sur les non-dits, sur une famille qui se détruit et sur l’hypothèse de la responsabilité de Bernard Laroche dans le rapt et le meurtre du petit Grégory, de Jean-Michel Bezzina (journaliste de RTL) dans l’instrumentalisation de l’affaire dans l’opinion publique et sur les erreurs du juge Lambert dans cette affaire. 

Grégory est une bande dessinée qui n’essaie pas d’appuyer sur le pathos pour nous faire ressentir des choses et pourtant l’histoire vraie prend le dessus. On ne peut que ressentir une tristesse intense face aux cases relatant les instants de vie famille, d’avoir le cœur en miette quand le drame arrive et de mourir de chagrin face à ce couple devant vivre la mort de leur enfant. Puis, cette tristesse se cache dans un coin de notre esprit et c’est la haine qui prend le dessus, notamment lors des scènes de procès où l’on a, littéralement, envie de secouer tout le monde pour enfin connaître le fin mot de ce mystère. Car nous aussi, nous sommes convaincus, Bernard Laroche est l’auteur du crime et il n’était pas tout seul…

Malgré tout, il y a bien un reproche à faire à cette bande dessinée sur l’affaire du petit Grégory et cela repose sur le dessin de Christophe Gaultier et sur son découpage. Difficile de mettre en images un tel récit et de retranscrire les émotions. Le dessinateur va à l’essentiel dans ses cases et ne s’encombre pas de détails superflus. Sauf que l’on perd en descriptions, ce qui aurait pu permettre d’ancrer encore plus l’histoire dans son temps et de rendre le tout vivant. Ici, nous sommes dans une teinte charbonneuse, presque marron donnant cet aspect vieilli, mais qui casse l’harmonie de certains traits, rendant les personnages parfois méconnaissables. Grégory ne brille pas par son dessin et par ses proportions hasardeuses qui pourraient donner le vertige à certains lecteurs. Dommage…

En bref, Grégory de Pat Perna, Christophe Gaultier et avec la participation de Jean-Marie Villemin est une réussite

En nous offrant un véritable point de vue sur l’enquête, l’auteur nous immerge dans les sentiments de Jean-Marie Villemin et dans cette farouche volonté de trouver la réponse. On vit ce procès comme si nous étions et on prend la pleine mesure des rancœurs et du conflit qui opposent tout le monde dans cette affaire. Alors, qui est le coupable ? Bernard est si innocent que cela ? Est-ce que Murielle Bolle va enfin sortir de son silence et revenir sur ses paroles ? 

SCENARISTE : PAT PERNA

DESSINATEUR : CHRISTOPHE GAULTIER

Date de sortie : 03 octobre 2024

Pagination : 144 pages

EAN : 9791037512581

Prix : 25€