Le déserteur de Junji Ito

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Mangetsu continue de publier les mangas de Junji Ito après la récente sortie de Carnage (dont je vous parlerai dans un futur proche) avec le recueil de nouvelles Le déserteur disponible en librairie depuis le 26 juin 2024. Comme à l’accoutumée, Mangetsu nous régale avec une édition de qualité, une préface signée Pawel Kizminski, créateur du RPG d’horreur World Of Horror, ainsi que d’une analyse proposée par Morolian, le spécialiste de l’auteur en France.

Le déserteur regroupe douze nouvelles que Junji Ito avait publiées dans le Gekkan Halloween, un magazine dédié aux jeunes femmes et à l’horreur, entre 1987 et 1991, soit la même période que son travail sur le cultissime Tomie, mais aussi en tant que prothésiste dentaire. Ce recueil est une occasion parfaite de découvrir les débuts d’un mangaka qui avait longtemps été boudé par les maisons d’édition française et qui ne pouvait pas s’attendre à avoir un tel niveau de reconnaissance des décennies plus tard.
Qu’on se le dise, ce recueil est un plongeon dans les débuts d’un auteur autodidacte en devenir, qui ne rêve que de se frotter à ses auteurs préférés, de rendre hommage à tout un pan d’un art qui l’a fait rêver étant enfant, qui l’a poussé à dessiner, à croire en lui et à développer toutes les idées qui fourmillaient en lui. Bien évidemment, on sent avec la nouvelle Bio House publiée en 1987 que nous sommes aux prémices de son art. Les traits sont assez simples, les visages encore un peu rond, sans expressions franches, mais l’envie de bien faire se fait ressentir au travers de cette histoire. On sent que le mangaka a déjà cette envie de jouer avec son lecteur, de brouiller les pistes et de rendre hommage aux différents maîtres de l’horreur qui ont forgé son identité, mais également de commencer à évoquer ses propres peurs par la suite. 

C’est avec la nouvelle Un endroit où dormir publiée en 1988 que l’on distingue une nette évolution dans le style graphique de Junji Ito et dans la façon dont celui-ci aura de représenter nos pires cauchemars. En effet, le mangaka s’autorise à explorer autre chose que l’horreur psychologique et n’hésite pas à explorer des faces encore plus sombres et choquantes. C’est ainsi qu’il part vers le body horror et ces représentations qui marquent la rétine du lecteur à tout jamais, si bien que son trait paraît plus brut. Junji Ito franchit une barrière symbolique dès cette quatrième nouvelle et continuera par la suite son exploration de l’horreur.
Par la suite, le recueil de nouvelles Le déserteur nous permet de découvrir les thématiques fétiches du mangaka, comme celle de la perte d’identité ou encore du contrôle de l’esprit qui nous font faire des choses insensées ou qui nous poussent dans les bras de la mort à force de frustration et de déception, à l’image de la nouvelle De longs cheveux sous le toit, dont le génie narratif et graphique explose sous nos yeux. 

Vous l’aurez compris, Le déserteur est l’œuvre parfaite pour celles et ceux qui admirent le travail de Junji Ito et qui veulent le découvrir dans ses débuts où il avait tant de choses à prouver. Au travers de ces nouvelles pleines de fougue, on découvre un mangaka en devenir dont le style ne fait que s’affirmer au fur et à mesure des sorties. Sa touche graphique prend de plus en plus d’ampleur, jusqu’à exploser dans L’effroyable labyrinthe et on comprend que ses thématiques récurrentes étaient déjà présentes à cette époque. En bref, c’est un recueil qu’il faut avoir dans sa collection et qu’il faut proposer aux débutants, afin qu’ils découvrent le travail de Junji Ito

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Avatar de laplumedelulu laplumedelulu dit :

    Quel enthousiasme. Ça fait plaisir de lire un tel texte. Merci à toi pour la chronique 🙏 😘

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