Il y a des auteurs qui ont parfois quitté l’horizon de nos lectures, que ce soit parce que l’on adhère plus au style, à la plume ou aux effets de manche. Il se peut aussi que l’on passe certains titres, car les thématiques ne nous plaisent pas. C’est le cas pour moi avec le romancier Michel Bussi, car j’avais cette impression de lire souvent le même roman et que celui-ci avait une manière automatique d’écrire une œuvre. En bref, Bussi n’était plus fait pour moi. Alors qu’elle ne fût pas ma surprise lorsque je me suis intéressé à son dernier roman en date, Mon cœur a déménagé, publié aux Presses de la Cité, et que celui-ci m’a tapé dans l’œil. Retour sur un roman aussi tendre que sombre et qui marquera mon année de lecteur. 

La 4eme de couverture

La mort d’une mère

La quête d’une fille

Une vengeance implacable

 » Papa a tué maman. « 
Rouen, avril 1983. Ophélie a – presque – tout vu, du haut de ses sept ans. Mais son père n’est pas le seul coupable. Un autre homme aurait pu sauver sa mère.
Dès lors, Ophélie n’aura plus qu’un but : retrouver les témoins, rassembler les pièces du puzzle qui la mèneront jusqu’à la vérité. Et, patiemment, accomplir sa vengeance…
Enfant placée en foyer, collégienne rebelle, étudiante évoluant sous une fausse identité, chaque étape de la vie d’Ophélie sera marquée par sa quête obsessionnelle et bouleversante.

Mon coeur a déménagé : Aussi tendre que sombre

Mon cœur a déménagé est le genre de roman qui s’articule autour d’une idée, d’une thématique et d’un démarrage assez simple. Ici, Michel Bussi nous narre une histoire tristement banale, celle d’une famille dysfonctionnelle, celle d’une détresse quotidienne que l’on peut croiser dans chaque ville, chaque village. Un drame familial qui se compose d’un père, Josselin, qui boit trop, d’une mère, Maja, qui ne cède pas à sa tentation et qui prend toute la violence en retour et d’une petite fille, Ophélie, qui comprend beaucoup de choses pour son jeune âge. Mon cœur a déménagé débute lors d’une énième dispute à propos d’argent et d’envie de boire encore un peu. Une violente dispute arrive, la mère de famille quitte le domicile, le père la suit. Course-poursuite dans les quartiers de Rouen et la mère tombe d’un pont. Aucun témoin de la scène, le père est accusé de meurtre et envoyé sur le champ en prison. Sauf que cette famille était sous tutelle et que la mère avait prévenu leur administrateur social que cela allait arriver. Aucun mouvement de sa part et c’est toute la haine d’une enfant qui naît de cette soirée. 

Sauf que cette haine ne sera pas dirigée vers Josselin, son père. Ophélie préfère tirer un trait sur son père et porter son venin vers Richard, l’administrateur qui n’a pas voulu lever le petit doigt. Parce que dans la tête de cette petite fille tout aurait été différent s’il l’avait fait. Dès lors, Michel Bussi nous entraîne dans son sillage et dans plusieurs temporalités pour suivre l’évolution d’Ophélie qui est partie vivre dans un foyer d’accueil et comment celle-ci a pu survivre avec cette haine chevillée au corps.
Qu’on se le dise Mon cœur a déménagé est un pur roman noir qui, malgré sa tendresse, nous immerge dans un quotidien compliqué où l’on va suivre une enfant qui part enquêter elle-même pour comprendre, avoir des réponses et surtout avoir des billes pour exercer sa vendetta sur une personne pour qui tout a réussi. On pourrait d’ailleurs décrocher à cet instant, car il est peut être difficile de croire à tous les actes qui vont être commis par une jeune adolescente de 13 ans, mais la magie Michel Bussi opère. Celui-ci nous entraîne dans un thriller parfaitement maîtrisé où l’on plonge corps et âme dans cette histoire incroyable. Chaque personnage a son importance, chaque retournement de situation fonctionne et rabat les cartes et sa façon de découper son intrigue est aussi ingénieuse que machiavélique. 

Plus qu’une enquête, Mon cœur a déménagé est un roman social d’une grande qualité et d’une force incroyable. On retrouve dans ce récit toute l’empathie et la gentillesse que peut avoir Michel Bussi envers ses personnages cabossés par la vie. Ce roman est un parfait hommage aux hommes et aux femmes qui travaillent dans les métiers de l’assistance public, sans oublier d’évoquer les parts sombres de l’humain. Le romancier nous invite à suivre le parcours de jeunes adolescents qui ne partent pas avec toutes les chances de leur côté et qui ont vécu, pour certains, des traumatismes qui les marqueront à vie. Cependant, Mon cœur a déménagé n’oublie pas de nous montrer que ces jeunes gens peuvent s’en sortir, même avec peu, tant qu’on leur apporte de l’aide, une empathie, de l’écoute et une entraide qui se transforme petit à petit en une forte amitié. C’est beau, c’est tendre et c’est sombre à la fois. 

En bref, Mon cœur a déménagé est une pure réussite

Vous l’aurez compris, Mon cœur a déménagé de Michel Bussi est un roman incroyablement fort et qui vous tiendra jusqu’à la toute dernière ligne. On suit le parcours d’Ophélie avec grand intérêt et l’on finit irrémédiablement par s’attacher à elle et aux personnages qui l’entourent. On se prend au jeu et l’auteur se joue de nous. On termine cette lecture avec cette sensation étrange de laisser une amie nous quitter et cette fois-ci en paix avec elle-même. Mon cœur a déménagé est un récit puissant, une réussite totale et ce sera le premier vrai coup de cœur de cette année 2024.