Serre moi fort de Claire Favan : une pépite du roman noir

Quel plaisir de voir que le roman noir ou le thriller peut encore surprendre son lecteur ! C’est le cas ici avec le roman Serre moi fort de Claire Favan publié aux Éditions Robert Laffont dans la collection de La bête noire. Laissez-vous prendre par la maîtrise de l’autrice et par cette plongée dans la noirceur humaine.

La 4eme de couverture


« Serre-moi fort. » Cela pourrait ressembler à un appel au secours. Du jeune Nick, tout d’abord. Victime collatérale de la disparition inexpliquée de sa sœur, contraint de vivre dans un foyer brisé et entre deux parents totalement obsédés par leur quête de vérité. Il aimerait tant que sa mère le prenne dans ses bras…
D’Adam Gibson, ensuite. Policier chargé de diriger l’équipe qui enquête sur la découverte d’un effroyable charnier dans l’Alabama, il doit identifier les victimes – toutes des femmes – et tenter de remonter jusqu’au tueur, qui a savamment brouillé les pistes. Si Adam parvient à cerner quelques-unes de ses motivations, c’est à peu près tout. Et il prend le risque de trop qui le jette directement dans les bras du tueur. Commence alors entre eux un affrontement psychologique d’une rare violence… N’entendez-vous pas leur appel désespéré quand tous murmurent : « Serre-moi fort » ?

Serre moi fort : la maîtrise du récit

En commençant Serre moi fort de Claire Favan, on pourrait avoir cette impression de tomber sur un thriller plus classique. On retrouve ce qui fait la force des écrits de cette autrice, mais sans pour autant que l’on ressente ce frisson si caractéristique. Pourtant, celle-ci nous attire dans ses filets de façon simple, avec son récit, ses thématiques et ses personnages meurtris par la perte. On lit les premiers chapitres avec cette envie d’en savoir plus, tout en étant en empathie avec le personnage principal. On pourrait même dire que l’on partage toutes les peines de chacun des personnages, mais que l’on s’identifie encore plus au héros de cette première partie. On suit son quotidien impacté par la perte de sa sœur et on veut savoir si celui-ci va réussir à se reconstruire, face au reste de cette famille qui plonge dans un cauchemar sans vouloir remonter à la surface. On veut comprendre où Claire Favan veut nous emmener, on veut savoir si Serre moi fort va nous immerger dans la quête d’un tueur en série sadique et autant vous dire que vous ne serez pas déçu. Les pages défilent sous nos yeux et la première partie se termine par une chute difficile à voir venir, mais qui remet tout en question et qui nous met une bonne petite tarte dans la tronche. C’est simple, on termine cette première partie avec l’envie d’aller encore plus loin, mais aussi de relire ces premiers chapitres pour déceler le moindre indice. La romancière s’amuse avec son lecteur et on se rendra compte que celle-ci ira encore plus loin.

C’est tout cuit. Serre moi fort nous tient dans son piège et la deuxième partie s’ouvre à nous avec un tout autre personnage et surtout sur la découverte d’un charnier. On entre ainsi dans la partie enquête, celle qui va mettre en lumière tout le travail de Claire Favan. On suit ainsi les investigations avec un plaisir coupable puisque l’on pense savoir qui en est l’auteur. La noirceur prend une place de plus en plus importante dans cette partie, puisque l’autrice va tenter de nous plonger dans la psyché du tueur en série. Le rythme toujours aussi soutenu va exploser dans les derniers instants et la romancière nous offre, une nouvelle fois, un twist de grande qualité. On plonge ainsi la première dans la folie humaine, dans ce qu’elle a de pire à nous offrir, le tout dans une montée en tension si intense que l’on pourrait oublier de respirer durant notre lecture. On souffre avec le personnage, on éteint notre esprit, on essaie de ne plus y penser. Le calvaire va durer quelques heures, quelques jours et pourtant, on a cette impression qu’il a duré toute une vie.

Dernière partie. Le souffle encore court, la nausée au bord des lèvres, Claire Favan en profite pour nous maintenir captif et nous offrir le face à face tant attendu. On en apprend alors bien plus sur le mode opératoire de ce tueur particulier et de l’assurance qu’il peut avoir lors des enlèvements, mais aussi dans son quotidien. On prend toute sa folie en pleine face sans que l’on puisse faire quelque chose. Le désespoir envahit notre conscience au fil des pages et Claire Favan en profite pour enfoncer le clou… C’est dans un état comateux que l’on va savourer les derniers instants de Serre moi fort. Le temps passe différemment, l’autrice joue sur les ellipses temporelles pour nous duper, mais aussi pour se jouer de son antagoniste. On sait que quelque chose va se passer, on serre les dents quand celui-ci s’approche un peu trop près de certains personnages et on exulte quand le héros de cette partie remonte la pente. On termine la lecture avec une bouffée d’adrénaline, un sourire en coin, apaisé.

Serre moi fort : un intérêt pour le survivant

Ce qui jalonne le roman de Claire Favan, c’est bien la thématique du survivant, de celui qui reste après le drame. La romancière s’intéresse à cet aspect que l’on oublie assez souvent dans les enquêtes policières ou dans la vie en général. C’est ainsi qu’elle va nous immerger dans le quotidien de ce jeune frère qui doit survivre face à la disparition de sa sœur, qui doit tout faire pour continuer à vivre sa vie, à se démarquer aux yeux de parents qui vivent dans le chagrin, dans la haine et dans le passé. Serre moi fort nous permet de le suivre dans ses pensées, dans ses rancœurs, dans ce qu’il ressent d’injustice ou de justice. Parce que oui, Claire Favan avance l’idée que certains peuvent se réjouir de la situation. Cette façon de procéder permet au lecteur de comprendre les choix que le survivant peut faire dans des moments qui paraissent inopportuns. Peut-on s’inscrire à la fac alors qu’un membre de sa famille est porté disparu ? Doit-on mettre en pause sa vie parce que celle d’un autre est en suspend ? Voilà des questionnements qui vont tourner dans notre esprit tout au long de notre lecture.
La romancière évoque également cet aspect de la question au travers du deuil, suite à une longue maladie. On découvre ainsi la vie d’un père de famille dont la vie à basculer dès le premier jour où sa femme est tombée malade et que celle-ci a eu plusieurs rechute. Serre moi fort évoque avec force et justesse les failles humaines, ce besoin de se sentir vivant, aimé. Les deux cas sont différents et vont jouer de manière différente sur notre esprit et c’est là que Claire Favan frappe fort, puisque l’on va toujours juger les choix des autres, sans pour autant connaître leur vie et les difficultés qu’ils rencontrent.

L’autre point qui ressort de cette lecture de Serre moi fort se situe dans les derniers chapitres. Si celui-ci semble moins développé que la thématique du survivant, Claire Favan évoque les cas des hôpitaux psychiatrique et de la facilité dont le personnel médical a à fournir des tas de médicaments qui peuvent aller à l’encontre des soins attendus. Véritable fléau aux USA, l’addiction se retrouve dans toutes les couches sociales de la population et la romancière nous livre les effets néfastes que la prise à long terme de ces médicaments peuvent avoir sur l’esprit du patient. Celle-ci travaille sur ses effets, sur sa temporalité et la confusion pour nous faire ressentir et nous mettre à la place du patient. On perd ainsi le peu d’humanité qu’il nous reste. On vit dans un brouillard quasi-constant, impossible d’avoir les idées claires, de renoncer à notre dose, par peur de ne pas nous en sortir. Serre-moi fort, c’est un plongeon dans la noirceur sans possibilité de remonter à la surface.

En bref, Serre moi fort de Claire Favan est une pépite du roman noir

Vous l’aurez compris, Serre moi fort de Claire Favan fait clairement partie de cette catégorie de roman que l’on peut facilement qualifier de chef d’oeuvre, tant tout est mis en place pour faire réfléchir son lecteur, pour le manipuler et pour le secouer dans tous les sens. On ne peut qu’être ravi en sortant de cette lecture, car on a cette impression que l’on peut encore surprendre le lecteur de thrillers et de romans noirs. Si vous n’avez jamais lu ce roman ou l’autrice, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Avatar de laplumedelulu laplumedelulu dit :

    Je l’ai lu à sa sortie. Et offert ensuite. Merci pour la seconde couche. Claire Favan n’ a plus rien à prouver pour démontrer son talent. Elle est une Grande maintenant. Merci à toi pour la chronique 🙏 😘

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