
Si cela fait plusieurs décennies que le format du manga a le vent en poupe sur le territoire français, on peut quand même remarquer quelques auteurs manga français sortir du lot avec des créations originales et des dessins de qualités. De mon côté, je pense tout de suite à Radiant de Tony Valente, Dreamland de Reno Lemaire, DreaMaker de Zilo ou encore à Silence de Yoann Vornière. Si je devais en garder un autre dans le lot, ce serait RedFlower du mangaka franco-ghanéen Loui, publié depuis l’été 2023 aux Éditions Glénat, après un passage par l’auto-édition.
La 4eme de couverture
Sont-ce nos actions ou leurs conséquences qui font de nous des adultes ?
Kéli est un adolescent impétueux qui ne rêve que d’une chose : passer le rituel du Katafali afin de devenir un homme aux yeux de sa tribu. Seulement, le jeune garçon peine à intégrer pleinement la philosophie pacifique de son peuple, ainsi que les sages conseils de ses aînés… C’est alors qu’Anansi, le sorcier, a une vision d’apocalypse : le village va se faire envahir par des étrangers dotés d’un pouvoir mystérieux et meurtrier ! Les membres du clan se trouvent désormais face à un dilemme : comment se défendre face à cet ennemi quand leurs croyances leur imposent la non-violence ? Kéli tient-il là l’occasion de prouver sa valeur ?
Croisement moderne assumé du manga et des contes ancestraux des griots africains, RedFlower est un shonen d’action et d’aventure qui vous emportera dans la rencontre explosive de deux cultures opposées, l’une emplie d’animisme et de spiritualité, l’autre pour qui la fin justifie les moyens. Avec toujours ce même fil rouge : sont-ce les actes ou leurs conséquences qui font de nous des adultes ?
RedFlower : un Shonen Nekketsu au décor original
Dans ce premier tome de RedFlower, nous allons suivre le parcours du jeune Keli qui souhaite devenir un homme de la tribu, comme son grand frère, en passant le rituel du Katafali. Le problème, c’est que notre personnage est une véritable tête de mule qui voudrait sauter les étapes. Si celui-ci peut s’avérer parfois difficile à suivre et tête à claques, il ne faut pas oublier que le mangaka Loui nous immerge dans un pur Shonen Nekketsu et que ce trait de caractère est propre à ce sous-genre.
C’est donc sous nos yeux que le jeune personnage de Keli va prendre de l’importance, de l’ampleur, que ce soit dans le cadre ou non et bien sûr grandir en même temps que son lecteur. RedFlower aborde alors de nombreux thèmes comme le passage à l’âge adulte par le biais d’un rite initiatique, du fait d’assumer les conséquences de ses actes, de comprendre la philosophie complexe de cette tribu ou encore de prendre conscience de ses défauts, de les assumer et d’en faire, par la suite, une véritable force. Vous l’aurez compris, Loui nous offre un premier tome assez dense qui pourra plaire aux plus jeunes comme aux plus âgés d’entre nous.

Si l’histoire peut sembler classique aux premiers abords avec certaines thématiques récurrentes du Shonen, le mangaka franco-ghanéen nous régale par son univers riche et flamboyant. RedFlower nous plonge dans un univers où la culture est coupée en deux entre la spiritualité et la violence du quotidien. Le décor n’est pas présent que pour faire joli, Loui s’est fortement inspiré des souvenirs de son enfance pour créer un univers complet, original et qui nous projette dans une tribu africaine avec ses codes, sa façon de s’habiller, ses bijoux, ses coiffures, ses rites. Tout est tellement précis que l’on vient à se demander ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. D’autant plus que le mangaka nous offre quelques interludes pour nous parler plus en détails de certaines coutumes. Le pari risqué est plus que réussi, puisque le lecteur va vouloir en savoir plus pour comprendre le fonctionnement de cette tribu si particulière.
Qu’on se le dise, tout sonne vrai dans ce premier tome de RedFlower. On sent que le mangaka a vécu certaines de ces situations et qu’il connaît aussi parfaitement bien le sport de combat, puisqu’ici nous sommes dans un mélange entre le karaté, le judo ou encore la capoeira. Toutes les scènes de combat sont fluides, si bien que l’on a l’impression d’assister à un véritable ballet entre beauté des gestes et violences. C’est beau, c’est dynamique et on sent que le mangaka maîtrise son médium, tant le découpage est parfait et donne envie de tourner les pages avec avidité.

Entre respect de la nature et art martial qui prône la paix, ce premier tome de RedFlower nous invite dans un voyage aussi somptueux que sombre. En effet, on découvre bien assez tôt que les punitions corporelles sont légion dans cette tribu. Si cela laisse perplexe dans un premier temps au vu du discours des anciens, on comprend assez vite que le mangaka veut montrer du doigt quelques contradictions dans certains discours, mais aussi pour signifier la difficulté que c’est de passer à l’âge adulte. Comme tout bon shonen, le parcours est délicat et surtout semé d’embûches…
RedFlower est le genre de manga qui se déguste et qui se vit pleinement. Cependant, vient à un instant cette sensation de ne pas savoir réellement où tout cela va nous emmener. Surtout quand le vieux sorcier Anansi arrive en trombe pour annoncer qu’une terrible menace va s’abattre sur la tribu. Le mystère est total et devient encore plus flou par la suite, surtout avec cette dernière case qui rabat toutes les cartes et qui nous donne juste envie d’avoir la suite au plus vite.

RedFlower : un premier tome aussi riche qu’important
Vous l’aurez compris, le mangaka Loui nous offre un premier tome d’une qualité rare puisque celui-ci réussit à jouer avec les codes classiques du Shonen pour nous immerger dans une culture que l’on connaît que trop peu. En jouant sur cette image entre création et réalité, RedFlower donne cette impression que tout est vrai et que cette tribu existe bel et bien. Qu’on se le dise, ce premier tome est une véritable réussite qui se repose sur une dynamique de découpage parfaite et ce mystère qui nous enveloppe et nous donne envie d’avoir la suite. Alors qu’attendez-vous pour vous procurer ce premier tome de RedFlower ? D’autant plus que celui-ci fait parti de la sélection jeunesse de la 51 eme édition du festival d’Angoulême qui se déroulera du 25 au 28 janvier 2024.